L’Encyclopédie/1re édition/PYRÉNÉES, les

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PYRÉNÉES, les (Géogr. anc.) Pyrenæi montes ; montagnes d’Europe aux frontieres de la France & de l’Espagne, dont elles font la séparation. Elles ont toujours été réputées la borne naturelle de ces deux états. Pline même, l. III. c. iij. nous marque jusqu’aux limites précises de cette séparation : Pyrenæi montes, dit-il, Hispanias, Galliasque aisterminant, promontoriis in duo diversa maria projectis. Il veut parler du promontoire de Vénus, ou Aphrodisium, qui s’avance dans la mer Méditerranée, & du promontoire Olearso, ou Oeaso, qui avance dans l’Océan.

Diodore de Sicile dérive le mot Pyrénées du grec πόρον, qui signifie du feu, & prétend qu’il a été occasionné par un embrasement des bergers, en brûlant les forêts qui couvroient ces montagnes. Aristote parle de cet embrasement.

Quoi qu’il en soit de l’origine du nom, les monts Pyrenées s’étendent depuis la Méditerranée jusqu’à l’Océan, l’espace de 85 lieues en longueur. L’œil qui croyoit d’abord les mesurer, découvre les montagnes derriere les montagnes, & se perd toujours davantage. Leur largeur est différente selon les endroits, & la plus grande est de 40 lieues.

Elles commencent au port de Vendres dans le Roussillon, sur la Méditerranée, & à Saint-Jean-de-Luz dans la Biscaye françoise, sur l’Océan, d’où elles s’étendent jusqu’à Saint-Sébastien, port de mer dans la Biscaye espagnole, à Pampelune dans la Navarre, à Venasca dans l’Arragon, à Lérida & à Tortose, dans la Catalogne. Tout le terrein que ces montagnes occupent est partagé aujourd’hui entre la France & l’Espagne. La France y a cinq petits pays, qui sont la Biscaye, la principauté de Béarn, & les comtés de Bigorre, de Comminges & de Roussillon. L’Espagne y possede quatre provinces, qui sont la Biscaye, la Navarre, l’Arragon & la Catalogne.

Ces montagnes ont divers noms, selon les divers lieux qu’elles avoisinent. Vers le Roussillon elles se partagent en deux branches, dont celle qui sépare ce comté du Languedoc, s’appelle anti-Pyrénée ; & celle qui le sépare de la Catalogne, se nomme col de Pertuis, quoique ce mot de col signifie proprement les passages étroits qui sont dans ces montagnes. Il y a du même côté monte-Canigo, sierra de Guara, col de la Prexa, col de l’Argentiere, & porto-de-Viella. Celles qu’on voit entre la Gascogne & l’Arragon, sont les montagnes de Jacca & de Sainte-Christine ; enfin celles qui s’étendent dans la Navarre s’appellent les montagnes d’Adula & de Ronceaux.

Les anciens ont cru que les Pyrénées s’étendoient par toute l’Espagne jusqu’à l’Océan atlantique, & ils ne se trompoient pas beaucoup ; toutes les montagnes de l’Espagne n’étant que des rameaux de celles-ci. Elles sont effroyablement hautes, & si serrées, qu’elles laissent à peine cinq routes étroites pour passer de France en Espagne. On n’y peut même aller qu’à pié, où bien avec des mulets accoutumés à grimper sur ces hauteurs, où un cavalier peu expérimenté courroit risque mille fois de se rompre le cou. Toutes ces montagnes sont coupées par un grand nombre de vallées, & couvertes de hautes forêts, la plûpart de sapins.

Ces forêts immenses de sapins pourroient être extrèmement utiles à la France, si jamais elle songeoit à en tirer parti. Le bois en est d’une qualité aussi favorable pour la durée & la proportion, que les mâtures qu’elle tire du nord ; mais les mines de cuivre, de plomb, de fer, qui se trouvent dans les Pyrénées, produiroient encore de plus grands avantages. Il y a dans ces montagnes de quoi établir la meilleure fonderie de canon qui soit au monde ; & l’Adoure en porteroit à peu de frais les ouvrages à la mer. Enfin ces montagnes n’attendent que des mains industrieuses pour fournir à la France des matieres qu’elle paye chérement à l’étranger. (D. J.)